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Entretien avec Sarah Hanffou, présidente de Ping San Frontières

Publié le 25 mars 2025

Dans le cadre de l’évènement porté par le Campus AFD et la Friche la Belle de Mai ‘Marseille, un laboratoire sportif à ciel ouvert‘, où elle interviendra lors d’une table ronde le 7 avril prochain, nous nous sommes entretenus avec Sarah Hannfou, joueuse de tennis de table qui défend les couleurs du cameroon et du développement durable dans le sport.

  • Comment le sport contribue-t-il à renforcer les liens entre les jeunesses des deux rives de la Méditerranée ?

Le sport est un langage universel qui dépasse les frontières. Il a cette capacité unique de rassembler des jeunes d’horizons, de cultures et de parcours très différents. Entre les deux rives de la Méditerranée, où coexistent une richesse culturelle incroyable mais aussi des inégalités profondes, le sport agit comme un trait d’union. Avec Ping Sans Frontières, j’ai constaté qu’autour d’une table de tennis de table, les différences s’effacent naturellement. Le jeu devient un prétexte à la rencontre, un espace d’écoute et de compréhension mutuelle.

Au-delà du moment sportif, une véritable dynamique d’échange interculturel se met en place. Le sport permet aux jeunes des deux rives de se rencontrer et de partager des valeurs communes : respect, solidarité, effort collectif. Il contribue à déconstruire les préjugés, ouvrir les esprits et construire des ponts durables. Dans un contexte parfois marqué par des tensions, il est essentiel d’offrir ces espaces neutres et bienveillants où la coopération et l’amitié priment.

  • Quels freins existent encore aujourd’hui pour une plus grande mixité dans le sport ?

Malgré les avancées, plusieurs obstacles subsistent. Le premier est celui des stéréotypes de genre. Dans de nombreux contextes, la pratique sportive féminine reste perçue comme secondaire, voire inadaptée à certaines disciplines. Il est crucial de déconstruire ces représentations en proposant des modèles positifs et en accompagnant les jeunes filles dans leur parcours sportif.

Des freins structurels persistent également. L’accès aux infrastructures sportives reste inégalitaire, que ce soit en France ou de l’autre côté de la Méditerranée. Trop souvent, les jeunes issus de milieux modestes ou vivant dans des zones isolées ne disposent pas des équipements nécessaires. C’est un enjeu que nous tentons de relever avec Ping Sans Frontières, en soutenant la fabrication locale d’équipements : nous accompagnons des menuisiers pour concevoir des tables de ping-pong avec des matériaux locaux, pérennisant ainsi l’accès au sport tout en dynamisant l’économie locale.

Nous expérimentons également la fabrication de raquettes par impression 3D. Pour que le sport devienne un outil d’inclusion et de réduction des inégalités, il est indispensable de penser un modèle durable et adapté aux réalités locales, permettant à chacun de trouver sa place.

  • Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a amenée à vous engager dans le sport en tant qu’outil de développement et d’inclusion ?

J’ai eu la chance d’avoir un parcours sportif riche qui m’a profondément transformée. J’ai intégré l’équipe de France de tennis de table à 12 ans et j’ai représenté la France pendant près de dix ans. Ensuite, j’ai choisi de jouer pour le Cameroun, le pays de mon père, une étape importante de ma carrière. J’ai été championne d’Afrique, participé à trois Jeux Olympiques et terminé ma carrière après les JO de Paris 2024, en Pro A à Quimper.

Mon parcours m’a permis de voir à quel point le sport peut transformer des vies, mais aussi de prendre conscience des inégalités d’accès au sport. Lors des Jeux de la Francophonie au Niger, j’ai réalisé que l’environnement structurant dans lequel j’avais grandi était loin d’être une norme.

C’est ce qui m’a poussée à créer Ping Sans Frontières. D’abord en collectant du matériel, puis en mettant en place des actions plus larges : stages de formation pour les jeunes, formations pour les entraîneurs, fabrication locale d’équipements et accompagnement éducatif. Cet engagement est une manière concrète de transmettre et d’agir pour une société plus inclusive.

  • Qu’attendez-vous des échanges lors de cet événement à Marseille ?

Cet événement est une opportunité de dialogue et de co-construction. Marseille, par son histoire et sa diversité, est un lieu emblématique pour interroger la place du sport comme levier de coopération entre les deux rives de la Méditerranée. J’attends des échanges sincères et concrets qui permettront de mieux comprendre les réalités des jeunes, leurs besoins, leurs aspirations, mais aussi les freins qu’ils rencontrent.

Je suis convaincue que le sport ne doit pas être une fin en soi, mais un outil au service de l’inclusion et du développement. Ce type d’événement permet de croiser les regards, partager des expériences et imaginer ensemble des solutions nouvelles, ancrées dans les territoires.

Je souhaite que ces échanges nous permettent d’aller plus loin : renforcer les synergies entre acteurs, décloisonner les secteurs (sport, éducation, insertion professionnelle) et continuer à bâtir des projets concrets pour que le sport contribue encore davantage à réduire les inégalités et à créer des ponts durables entre les jeunesses méditerranéennes.

Mais surtout, au-delà des débats, j’aimerais que nous sortions de ce colloque avec des propositions concrètes et des pistes d’action claires. Il est important que cette rencontre ne reste pas un simple espace de réflexion, mais qu’elle débouche sur des projets tangibles ayant un impact réel sur l’accès au sport et la coopération entre nos jeunesses.

Pour s’inscire à l’évènement